Anecdotes Njaka #1 – Se ruiner pendant les cérémonies funéraires, une fierté pour la famille

« Un grand notable disposant de plusieurs têtes de zébus et de chèvre s’est éteint dans un village non loin d’Amboasary. La famille s’est réunie pour commencer la préparation de la cérémonie. Pour cela, il faut trouver un grand arbre pour confectionner deux pirogues dans lesquelles le mort sera entreposé durant la cérémonie qui durera 6 mois. On a coupé l’arbre dans la forêt qui se trouve à 40 km du village.

J’ai été sollicité pour le transporter. L’intervention s’est bien déroulé et le bois pour le cercueil est bien arrivé. La famille a décidé de 6 mois de cérémonie car toute la grande famille doit participer à l’événement soit sous forme d’argent (pour acheter le riz, boissons, etc…) soit en nature sous forme de zébus ou de chèvres pour compléter ceux appartenant au défunt. Certaines familles ne disposent pas de la somme nécessaire et demandent un certain délai pour la réunir. Le mort est donc déposé dans les deux pirogues superposées après avoir été embaumé avec le latex d’une plante sauvage dénommée « taritarika » et du jus du déchet de feuilles de sisal comme produit de conservation. Le jus de sisal remplace le formol utilisé pour stopper la dégradation du corps.

A gauche, le taritarika (Leptadenia madagascariensis) est la plante qui remplace le latex pour la conservation du corps. A gauche, l’Agave-sisalana. le jus de ses feuilles est utilisé comme produit de conservation et remplace le formol.

Et la vie continue comme si de rien n’était….

Au bout de six mois, les invitations sont lancées. Deux semaines sont nécessaires pour recevoir tous les invités, leur donner des vivres et/ou les nourrir directement sur place. Ma famille et moi, nous nous sommes rendus à la cérémonie et avons présenté nos condoléances en donnant 2000 Ar à la famille à titre de participation. Nous ne pouvions pas rester longtemps, la famille nous a donc donné un grand bouc en bonne santé pour que nous préparions nous même notre repas.

A droite, un exemple de tombeau funéraire traditionnel de l’Androy. Quelques statuettes à l’effigie de leurs morts sont réalisées (à gauche).

Comme nous ne sommes pas éleveur et que nous ne pourrions jamais manger un bouc seul, nous avons décidé de le vendre. Mais pour le vendre, il faut une autorisation du propriétaire. Nous avons attendu que la cérémonie (ou fête car c’est vraiment la fête avec des sourires aux lèvres et la musique partout) se termine pour demander le papier. Le propriétaire qui n’est autre qu’un proche du mort ne voulait pas nous fournir ce papier mais il nous a acheté le bouc au prix du marché. On ne voulait pas prendre l’argent mais on nous a vivement conseillé d’accepter car refuser est une offense envers la tradition. Poussé par la curiosité, j’ai essayé de connaître les dépenses durant la festivité mais personne n’a pu avoir une estimation. Un des organisateurs (membre de la famille) m’a seulement dit que la cérémonie a été une réussite totale car la famille directe du mort n’a plus rien, ni zébu ni argent, et il m’a dit cela d’un air souriant et fier. »

Njaka Ravelomanantsoa
Njaka est ingénieur agronome d’origine d’Antananarivo, de l’ethnie Mérina sur les hauts plateaux de Madagascar. Il est co-gérant de PhileoL Madagascar. Ayant vécu plusieurs années dans les régions Androy et Anosy, il a été surpris par les coutumes et rites de ces compatriotes Antandroy et Antanosy, il en a alors retranscrit certaines anecdotes vécues sur le quotidien que nous avons plaisir à vous partager. D’autres anecdotes sont à venir !


Liens :
Taritarika : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/789609
Sisal : https://www.inaturalist.org/observations/18859813
https://www.gbif.org/species/2766636

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.