Anecdotes Njaka #2 – La pause pipi hors de prix

 » Lors d’un déplacement en taxi brousse qui transporte une soixantaine de passagers, voir plus, il faut dès le départ s’assurer que les besoins sont satisfaits afin de ne pas être le seul à demander l’arrêt. En effet, le premier arrêt se fait au bout de 50 km de trajet. Si l’on a besoin de faire un arrêt au bout de 15 km, il faut crier fort et à plusieurs reprises pour l’arrêter.

Dans ces premiers 50km, si l’on est encore dans la région de l’Androy, il ne faut pas pisser n’importe où, même si l’urgence est là. Il faut demander l’avis des gens pour savoir si l’endroit est interdit ou non.

Taxi brousse reliant Tuléar à Fort-Dauphin un peu plus de 400km pour 4 jours de voyage minimum.

Plusieurs endroits de l’Androy sont des endroits interdits (fady*) car ces endroits sont des cimetières. Il ne faut pas s’attendre à des panneaux de signalisation car il n’y en a pas. Si on commet l’erreur d’uriner dans ces endroits, on risque de payer des amendes de zébus.

En effet, si vous êtes surpris par un villageois, il peut arrêter le taxi-brousse en se mettant devant la voiture, et il commence à crier pour appeler les autres membres du village. L’endroit paraît désert mais il y a des gens dans les forêts épineuses en train de garder les troupeaux ou en train chercher à manger. En un rien de temps, la foule sera en grand nombre pour revendiquer cette amende car vous avez maltraité les ancêtres et c’est grave. Plus ils sont nombreux à revendiquer, plus la situation s’empire. A ce moment là, il faut trouver quelqu’un parmi les voyageurs pour vous soutenir. Il jouera le rôle de l’avocat pendant la négociation. Il faut commencer par prouver que l’endroit est vraiment interdit. La présence d’un tombeau en est témoin. Si c’est le cas, le négociateur essaie de négocier pour réduire le nombre de zébus à payer en expliquant que vous êtes étranger et que vous ne connaissez pas la zone. Il est probable que vous ne disposiez pas de zébus car vous êtes étranger mais la discussion se fait toujours en termes de zébus.

Dans le meilleur des cas, vous payez l’équivalent du nombre de zébus en argent. Si vous n’avez pas l’argent nécessaire, vous êtes obligé de rester dans le village et de faire venir l’argent. Vous êtes en quelques sorte leur prisonnier. N’appelez pas les gendarmes car ils ne font qu’augmenter le nombre de zébu à payer car ils vont en bénéficier. Il en est de même pour les autorités car ils font partie du village. La seule chose à faire est de trouver une personne native de la zone pour refaire les discussions et vous défendre pour payer moins de zébus, comme au tribunal lorsqu’on fait appel.

Alors un conseil, dans le doute, il faut uriner au milieu de la route. »

*Dans la culture malgache, le fady fait référence à un large éventail d’interdictions culturelles ou de tabous.

Njaka Ravelomanantsoa
Njaka est ingénieur agronome d’origine d’Antananarivo, de l’ethnie Mérina sur les hauts plateaux de Madagascar. Il est co-gérant de PhileoL Madagascar. Ayant vécu plusieurs années dans les régions Androy et Anosy, il a été surpris par les coutumes et rites de ces compatriotes Antandroy et Antanosy, il en a alors retranscrit certaines anecdotes vécues sur le quotidien que nous avons plaisir à vous partager. D’autres anecdotes sont à venir !

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