À la recherche de l’arbre qui saigne

Depuis quelques temps nous travaillons avec mon ami Ethnobotaniste, le Docteur Hanitriniaina Razafimandimby, surnommé Mamy, à la recherche d’espèces d’arbres oléagineux dans l’immense forêt tropicale humide de l’Est de Madagascar. Ces recherches nous permettent de développer de nouvelles huiles précieuses tout en protégeant de nouvelles espèces. Dans le cadre de ces recherches, Mamy m’a parlé d’un arbre extraordinaire, le Brochoneura acuminata (Lam. Warb.), plus communément appellé l’arbre qui saigne.

Selon ses dires, cet arbre est remarquable à plusieurs égards, notamment lorsqu’on entaille son écorce, il saigne ! Il saigne de couleur rouge sang …

Les fruits du Brochoneura acuminata (Lam. Warb.).

De plus, son nom vernaculaire étymologiquement « Molotrandrongo » signifie « Tête de Lézard » car le fruit en a la forme. Et pour nous, l’intérêt primordial est que ce fruit est rempli d’huile. La graine contiendrait environ 65% d’huile et 6% insaponifiable !

Le Molotrandrongo est une espèce endémique à Madagascar qui pousse dans les forêts denses et humides de la côte Est. D’après Mamy, il en resterait encore suffisamment pour pouvoir l’exploiter de manière durable et bénéfique pour les hommes et l’environnement local.

Après l’étude de la bibliographie existante sur cet arbre et l’identification des zone de présences de cet arbre par Mamy et ces pisteurs, nous avons décidé de nous rendre dans la région proche de Ifanadiana (voir carte) pour le trouver. Nous sommes partis de Tulear et avons traversé Madagascar d’Est en Ouest.

Après 2 jours de voiture et de nombreux virages, nous arrivons près des lieux repérés. Après quelques heures de marche dans la forêt, nous atteignons notre objectif.

Le Molotrandrongo est un magnifique arbre de 15 à 20 m de hauteur. Et fait incroyable, au moment où nous arrivons au pied du premier arbre, un Lémurien nous observe du sommet de l’arbre ! Est-ce un signe …

Notre première tentation sur place est de vérifier la spécificité de l’arbre. Après une coupure, l’écorce laisse suinter un liquide de couleur rouge sang, c’est à la fois magnifique et troublant.

On peut également observer que la forme de ses fruits est bien semblable à une tête de lézard. Mamy nous explique que ce fruit verruqueux en forme de cœur mûrit une seule fois par an entre décembre et janvier. Les fruits sont parfois mangés par les lémuriens, ce qui justifie cette présence à notre arrivée, et les rongeurs. Mais, une partie des fruits matures tombés au sol sont récoltés pour leur unique graine oléagineuse. Ces graines, réputées pour leur richesse en huile, contiennent de nombreuses propriétés. L’huile est utilisée en médecine traditionnelle pour soigner les brûlures, les coups de soleil, les douleurs articulaires et les contusions… Elle est aussi utilisée en cosmétique traditionnelle comme soin de coiffage ou pour embellir la peau.

Notre exploration se poursuit. Virginie et Quentin se charge de la collecte de graines et de feuilles d’arbre afin d’identifier correctement la plante et de réaliser des herbiers. Nous comparons ces feuilles et fruits avec les planches botaniques (ci-dessous).

Réalisation d’un herbier avec les fleurs et les fruits du Brochoneura acuminata

Planche botanique du Brochoneura acuminata (Lam. Warb.). La plante nous concernant est la grande feuille centrale (Brochoneura Madagascariensis). Nous avons réussi à identifier l’arbre grâce à cette planche comparée à l’herbier.

L’objectif de cette expédition était de rencontrer cet arbre surprenant et de pouvoir identifier avec certitude le Brochoneura acuminata (Lam. Warb.), Molontrandrongo. Cette expédition a été un succès. La prochaine étape sera, une première collecte de graines (environ 50 kg) afin d’extraire les premières huiles et d’analyser la composition et la qualité de l’huile. Puis ensuite il faudra étudier son potentiel et estimer les quantités d’huile qu’il est possible de produire tout en veillant à protéger ce magnifique spécimen, preuve d’une nature surprenante.

L’huile de Molotrandrongo se retrouvera peut être un jour dans vos salles de bains…

Stéphane Philizot

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